Adalbert Deganne, ancien ingénieur
des chemins de fer du Midi, époux d'une riche propriétaire
foncière et un temps maire d'Arcachon, construit en
1855 cette "folie", modèle réduit
du château de
Boursault en Champagne, lui-même construit en 1843
par Madame Veuve Cliquot. On dit que Deganne voulait ainsi
rendre hommage à un de ses amours de jeunesse.
Le chateau n'a quasiment jamais été habité
et après la mort de Deganne, il deviendra un temps
une annexe d'une institution de jeunes filles tenue par des
bonnes soeurs.
Deganne, né à Vertus dans le département
de la Marne le 20 octobre 1817, n'a nullement cherché
à cacher la copie qu'il faisait : les chateaux sont
jumeaux, celui de Boursault, dans la Marne, étant cependant
nettement plus grand que celui d'Arcachon. "Je n'ai pas
inventé l'architecture Renaisssance, j'ai pris mes
modèles partout... les ouvertures sont dans les proportions
de la cour du Louvre..., une tour est de Chambord, le pigeonnier
également... Je me suis surtout inspiré d'un
château des bords de la Marne que j'ai essayé
de reproduire dans ses délicieuses proportions",
écrit Adalbert Deganne, en réponse à
une moquerie de son plus "cher" ennemi, Alphonse
Lamarque de Plaisance (La "guerre des deux A", Adalbert
et Alphonse, qui seront tour à tour maires de la ville,
secouera la toute jeune municipalité jusqu'à
la disparition des deux hommes).
Par son mariage avec Nelly Robert, une jeune Testerine, Deganne
devint propriétaire de la majorité des terrains
de la future ville d'été et ainsi un acteur
majeur de la naissance d'Arcachon. L'histoire de son chateau
est triste: il ne l'a jamais habité, y recevant cependant
MacMahon et Thiers lors de banquets mémorables.
(Avenir d'Arcachon N° 2732 du 16/04/1905)
Casino de la Plage
- (...) Comme le parc au Casino de la Plage est beaucoup
plus haut que celui de la chaussée vicinale, on a
eu l'excellente idée de remplacer le mur sans caractère
qui limitait la voie, par une série de magasins qui
égayeront ce passage très fréquenté
par le public des vapeurs de promenade.
Ces magasins au nombre de onze s'étendent
depuis l'encoignure du boulevard, tout le long de la rue
du Débarcadère, jusqu'à la cabine
de l'électricité. Ils mesurent en moyenne
cinq mètres sur quatre.
(...) Nous remarquerons à ce
propos, que les vespasiennes situées rue du Débarcadère
ont disparu. Nous rappellerons à l'administration
oh ! combien sympathique de M. Veyrier-Montagnères,
que lorsqu'on enleva les vespasiennes de la place Thiers,
ce fut sur la demande d'un Café qui n'existe plus
et sur la promesse formelle qu'un "buen-retiro"
de même nature serait installé place Thiers
un peu plus loin. Il était même question, (si
le maire habitait Arcachon !) qu'il s'inquièterait
des propositions qu'on lui faisait pour l'agrandissement
de ladite place Thiers, et de l'acquisition d'un passage
à cabines ; ce qui aurait permis de donner à
cette promenade publique une largeur normale. Ceci soit
dit en passant ; car il est bien évident que M. le
Maire a de plus nobles pensées en tête que
les questions de vespasiennes, d'égouts, de caniveaux
et de voirie urbaine.
(...)
(Avenir d'Arcachon N° 2742 du 25/06/1905)
Casino - (...)
Félicitons, en passant M. Fages,
d'avoir demandé à la municipalité l'alignement
de la rue du Débarcadère ; et prions-le, puisqu'il
est un des très rares municipaux qui parfois s'inquiètent
des intérêts arcachonnais, d'insister pour
que la plage soit nettoyée en temps utile.
(...)
(Avenir d'Arcachon N° 2744 du 09/07/1905)
Casino - Nous sommes
allés visiter le théâtre du Casino de
la Plage ; c'est une bonbonnière de marquise Louis
XV, une cassolette de houri, un vrai bijou.
(...)
(Avenir dArcachon N° 2750 du 20/08/1905)
Casinos dArcachon, Plage
& Forêt - Samedi dernier, 12 août
1905 , a été pour la première fois
ouvert au public la très jolie salle du Casino de
la Plage qui complète si heureusement de Casino,
la plus belle construction que depuis de longues années
on ait vu sélever à Arcachon, le plus
beau travail quon y ait exécuté.
A tout seigneur tout honneur ; cette
splendide transformation du Château Deganne est due,
tout dabord, à une généreuse
initiative privée qui croit en notre ville et qui
laime véritablement, et appelle ensuite des
éloges mérités à ladresse
des architectes, MM. Peigné et Ormières, de
lentrepreneur M. Blavy, et de tous les ouvriers qui
ont contribué à cette création.
Nous avons décrit dans ses
moindres détails cette ravissante salle blanc et
or, que les étrangers, avec qui nous parlions ces
jours-ci, ont comparé tour à tour, et suivant
leur degré de lyrisme, au théâtre du
« Cristal Palace » ou à « lAthénée
» de Paris.
On jouait Carmen, et linterprétation
du chef duvre de Bizet na rien laissé
à désirer.
Mme Magne, une jolie femme dont la
voie est chaude et étendue, a tenu dans la perfection
son rôle despagnole aux brûlantes amours.
Mlle Delmai, une cantatrice di primo
cartello, était une charmante Micaëla.
Et lon ne sait ensuite lequel
a le plus charmé le public, du ténor au timbre
si frais, si passionnant, au jeu scénique si sûr
et si délicat, ou du baryton, un beau garçon
à la voie pleine et sonore, au geste séduisant
et assuré ; de M. Geyres (don José) ou de
M. Mondaud (Escamillo).
Revenant aux traditions de la troupe
complète, la direction des Casinos avait voulu faire
au public laimable surprise dun corps de ballet.
Et si lon ne peut espérer, comme ce soir-là,
applaudir tous les jours des artistes de lOpéra
Comique de Paris, tout au moins en sera-t-on amplement consolé
par la continuation du corps de ballet, ce divertissement
chorégraphique qui complète en la rehaussant
dune façon très notable, toute représentation
artistique et musicale.
Mlle Cerri, première danseuse
du Grand-Théâtre de Bordeaux, a conquis, dès
la première soirée, un public que pendant
toute saison estivale elle charmera maintes fois encore.
Comme au théâtre de Bayreuth,
lorchestre est situé en contre-bas de la salle
quil ne voit pas plus que la scène. Cet orchestre
excellent est admirablement dirigé par M. Carrère
Bucau qui est non seulement un bon chef dorchestre,
mais surtout un administrateur de premier ordre.
La salle, féeriquement éclairée
à lélectricité, était
composée sur invitations, dun public digne
dune représentation de gala. Les dames avec
des toilettes rehaussées de diamants, les jeunes
filles coiffées et parées de fleurs, les habits
noirs et les smokings constituaient une chambrée
sélect et du plus gracieux effet.
Citons au hasard de la lorgnette :
Mme Verbruge née comtesse de
Renesse, Mlle Debans, M. Mme et Mlles Johnston, M. et Mme
St-Amant, familles Segrestaa, Bourgès, A. Dubos,
de Gaulne, baronne du Règne, Cazes, docteurs Lalesque,
Festal, Dechamp, Cazauvieilh député, Dignac
conseiller général, Bernardbeig, Schenke,
E. Calvet, Dumora, Auschitzky, Ferras, Exshaw, Peyrelongue,
comte Duroussoff, vicomte de Clouet, Seward, Buhan, familles
Marcilhac, Lawton, Damade, Paulin, Chauveau, Marien, Rosai,
de Broglie, Bordes, Le Bouleur, de Courlon, Nolodovitch,
Amossoff, Loste, Gufflet, Damas, Tilloy, de Scorbiac, Mme
Carrère Bucau, Mlle de Gabory, Mme et Mlles Ormières,
Mme et Mlles Dupont, Mme et Mlles Baudimant, Mme Garnion,
Mme et Mlle Bourdais ; familles Aymard, Allard, Guirout,
Moussié, colonel Henry, Raoul Bernard, commandant
Darrouy, vicomte et vicomtesse de Lestrange, comtesse de
Maquille, de Luze, Dolfus, de Trincaud-latour, Uzac, Graterolle,
Laurens, Laroze, Laville, Derm, Bastos, Barrère,
docteurs Hameau, Pauliet, de Batz, Moyzès, Dhourdin,
Robert, Paillet, M. et Mme Noël ; MM. Audap, Lecoq,
Valleau, Dalbusset, Couve, Lauras, Mallet, Malescault, Raffait,
Rouxel, Raynauld, Manceau, Teridgi, Marignan, Plachon, Chabanne,
Assemat, Carbonnier, Delmet, Judlin, Duché, Marty,
de Heredia, Auclair, Petit, Thebaud, Beaumartin, Calmel,
Arnaud, Balaresque, de Bethman, Castex, Catelin, Cayrel,
Célérier, Cloarec, de Curzay, Darrieu, Grassin,
Lataillade, Lagrolet, Babu, Levavasseur, Pougnet, Rey, Saulières,
Sellier, Vignial, de Vasquey, Escoula, de Guyet, Franchini,
Planté, Fleuriot, Perdoux, Lambert, Haussman, Arrégot,
Rausky, Kern, Fortin, Jaïs, Larue, Boyer, Champol,
Molina, Spum, Brenneville, etc., etc.
Cette belle fête sest
terminée à une heure du matin.
La presse a été unanime
à la célébrer, cependant que le correspondant
de la Petite Gironde, M. Canton, qui est en même temps
secrétaire du maire, a trouvé moyen de lui
consacrer huit lignes, en annonçant surtout que M.
Veyrier-Montagnères assistait à la représentation.
Ce dernier en effet qui vient dêtre, paraît-il,
décoré comme ostréiculteur et comme
fondateur de pêcheries, na fait quune
courte apparition et est retourné dare-dare à
Moulleau.
Mais il nest si belle fête
qui nait de lendemain.
Dimanche 13, avec le concours des
mêmes artistes, a été offerte une seconde
représentation de Carmen, devant une salle comble
et payante cette fois, ou nous avons remarqué parmi
les spectateurs autant de bordelais que darcachonnais,
des parisiens, des anglais, des russes, des espagnols, mais
la colonie étrangère moins nombreuse toutefois
que notre colonie hivernale.
- Lundi 14, à 4 h., Grande
Fête enfantine et Bal denfants travestis, sous
la direction de MM. Lazar.
Le soir, à 9 h., Concert vocal
et instrumental où lon a applaudi les soli
de Mmes Marignan (du Grand-Théâtre de Bordeaux)
et Dupont, MM. Cristin (ténor), et Caille (baryton)
du Grand-Théâtre de Bordeaux, MM. Descombes
et Mounet, artistes de nos Casinos, MM. Chaubet et Mesnard,
solistes de lorchestre.
- Mardi 15, Miss Helyett.
- Mercredi 16, première représentation
de Faust ; grand succès pour MM. Cristin dans le
docteur Faust, Albert dans Méphisto, Mounet dans
Valentin. Mme Dumand, notre première chanteuse, a
été une délicieuse Siébel. Le
rôle tenu par Mlle Delmai (de lOpéra-Comique
a charmé lauditoire. Dans le trio « Ange
pur », elle a été rappelée et
bissée.
Le corps de ballet a été
merveilleux sous la direction de Mlle Cerri, une mignonne
et charmante danseuse qui nous vient dItalie.
(...)
Enfin
on nous annonce pour septembre, le 7, la tournée
de M. Raymond ; le 14, la tournée de Mme Cora Laparcerie,
et par notre troupe artistique, probablement une interprétation
de La Traviata.
Jamais le Casino na été
mieux dirigé, mieux administré, ni si brillant.
Textes et scan : Aimé Nouailhas.
Mais la fin du XXème siècle est fatal au château
Deganne qui subira les derniers outrages. Ca a donné
ça: