"À la mémoire du capitaine David-Louis Allègre
qui, en 1837, arma dans le bassin d'Arcachon, le premier chalutier à vapeur du monde, le Turbot.
Les armateurs à la pêche de France, reconnaissants.
25juillet 1937 "
"Posée sur le mur extérieur
de l'église d'Andernos, cette inscription reconnait le
rôle de précurseur du capitaine Allègre dans
ce qui allait devenir une aventure arcachonnaise et poussait Arcachon
au deuxième rang des ports de pêche français
en 1910.
Cette partie de l'histoire arcachonnaise commence alors même
qu'Arcachon n'est pas encore fondé, quand
un sinistre drame vient endeuiller les rivages du Bassin le
28 mars 1836, six chaloupes de pêche de La Teste, le
Jeune Saint-Paul, l'Augustine, l'Argus, la Clarisse, la Jeune
Aimée et le Saint-Français, se sont perdues
à la grande côte avec leurs équipages.
Soixante-dix-huit hommes, laissant 16o orphelins, périssent
dans ce terrible désastre qui aura, à l'époque,
un retentissement national. Ce drame restera connu dans le pays
comme "lou gran malhour" (le grand malheur).
"Nouvellement installé à Andernos, sur le domaine
d'Arès, le capitaine David-Louis Allègre est convié
à assister à l'enquête provoquée par
la commissaire de l'Inscription maritime. Né à Brest
en 1786 et ancien officier de la Marine (impériale puis
royale), breveté capitaine au long cours en 1818, doté
d'une sérieuse fortune lui permettant de se livrer librement
à des investissements importants, c'est un homme de mer
généreux et réaliste.
"Je propose - écrivait Allègre - de substituer
aux chaloupes actuelles les bâtiments à vapeur"
Avec une véritable prescience, Allègre avait su
deviner l'avenir de la " pêche à la vapeur ".
Nous sommes cependant encore loin de " l'industrie du chalutage
à vapeur ", alors même que les pêches
pratiquées par les chaloupes du Bassin se font avec des
filets dormants, des tramails habituellement.
"Des écrits aux actes, peu de temps se passe avant
qu'effectivement Allègre fasse construire un vapeur le Turbot
qui, inscrit à Bordeaux, sera armé " à
la pêche au poisson frais ".
"Construit en bois chez Chaigneau-Bichon à Bordeaux,
le Turbot est un vapeur à aubes de 28 mètres de
long, muni d'une chaudière et d'un appareil respectivement
construits chez Auxon et chez Baudin, tous deux également
de Bordeaux.
"Il mesure 4,30 mètres de large pour un tirant d'eau
d'environ 2 mètres en charge. La machine fait 55 Cv nominaux
et les registres de compte ouvert des douanes de Bordeaux nous
apprennent que, francisé le 26 novembre 1836, il jauge
86 tonneaux 83/94e (en pieds cubes conformément à
la loi du 12 nivôse an II).
"C'est un gros navire si on le compare aux chaloupes disparues
le 28 mars bateaux creux faisant habituellement 10 à 12
mètres de longueur pour une jauge moyenne de 9 à
Jo tonneaux.
"En
1841, le capitaine Allègre publie un mémoire intitulé
"De la pêche dans le Bassin et sur la côte extérieure
d'Arcachon", dont la deuxième partie est entièrement
consacrée au récit de ses premières expériences
de la pêche à la vapeur avec son Turbot.
"Voulant effectuer un autre genre de pêche que celle
aux tramails, après avoir essayé sans succès
le filet "buf" de type méditerranéen,
Allègre procède enfin aux premières expériences
significatives de chalutage.
"Celle du 11 avril 1838 aboutit sous la direction du sieur
Rivet (un jeune pêcheur de Fouras), quand, devant les yeux
du patron Daney et de son équipage de î8 hommes,
le filet "tellement rempli de poisson" se défonça
le long du bord. C'est ainsi qu'après la pêche à
la vapeur, inaugurée l'année précédente,
le chalutage à vapeur fut inventé le 11 avril 1838.
Il revient effectivement au Turbot du capitaine Allègre
d'avoir été le premier chalutier à vapeur
du monde, et la société en commandite créée
pour le construire et l'exploiter fut également la première
société de pêcherie à vapeur."
Michel Boyé, Noël Gruet
in "Une histoire du Bassin - Arcachon entre Landes et
Océan"
Mollat éditeur, septembre 1995
Le Mémoire du capitaine Allègre
est passionnant à plus d'un titre.Il
donne d'abord une "photographie" saisissante de
l'état de la pêche et des ressources du Bassin
au milieu du XIXème siècle; il dénonce
l'exploitation désordonnée de ces ressources
et propose des solutions, qui à des degrés divers
seront mises en oeuvre dans les décennies suivantes.
Il est aussi un homme de ce XIXème siècle,
industrieux, innovateur, passionné de technologie; il est
le premier à voir le parti que l'on peut tirer du "moteur
à vapeur" à bord de bateaux de pêches;
il montre par ses expériences qu'il a raison.
La très grande humanité de ce mémoire
tient au fait qu'il reconnaît avoir eu raison contre tout
le monde et que ce n'est jamais une bonne posture: l'équipage
de ses bateaux à vapeur est composés de 2 ou 3 hommes,
quand les chaloupes traditionnelles embarquent de 12 à
13 hommes Comment s'étonner que le procédé
de M. Allègre ait reçu si mauvais accueil auprès
d'hommes qui savait que leur emploi était menacé
? Le débat très moderne entre emploi et innovation
technologique faisait déjà rage.
Il montre enfin l'intelligence du capitaine Allègre,
qui devant les refus qu'il a essuyés, adapte son projet
: des cutters à voile feront la pêche au chalut au
large des côtes d'Arcachon, les bateaux à vapeur
ramasseront la pêche et la rapporteront au port.
Le Mémoire fait 29 pages : je l'ai divisé
en trois, sur trois pages. En cliquant sur Tribord, en haut de
cette page, vous ouvrirez la première partie. J'ai voulu
respecter la présentation de la Bibliothèque nationale
de France et chacune des pages est une "image"; toutes
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le script fonctionnent bien et que vous trouviez un bon confort
de lecture. Un peu de patience ...
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