L'huître est à Arcachon ce que la
Lumière est à Paris ou l'Eternité à
Rome: un pléonasme, une tautologie...
L'huître à Arcachon, c'est l'histoire
merveilleuse d'un coquillage et d'un site (on dirait écosystème
aujourd'hui) faits pour s'entendre. Jusqu'au milieu du XiX ème
siècle, ce couple n'a pas d'histoire, tant leur vie commune
est heureuse. Et puis, vint l'homme, ce grand prédateur
qui en quelques années va quasiment tuer la ressource naturelle
et mettre un terme à des siècles de paisible bonheur.
L'huître sauvage du bassin d'Arcachon disparaît, trop
exploitée sans souci de la préservation de l'espèce.
Mais nous sommes au XIXème siècle,
dans ce siècle merveilleux, où les hommes découvrant
la technologie croient que tout est possible, y compris réparer
leurs propres erreurs.. Ces hommes décident donc de domestiquer
ce coquillage et de l'élever dans des "fermes"
aquatiques, les parcs aux huîtres, qui aujourd'hui encore
font un des charmes du bassin. L'Empereur Napoléon III
donne l'exemple et se fait octroyer une concession.
Rien n'eut été possible sans une
de ces inventions discrètes mais puissantes, sans une
trouvaille qui doit plus à l'intuition qu'à la
recherche scientifique. Le problème était le
suivant: les huîtres
adultes confient, à la saison de la reproduction, des
milliards de larves (le naissain) à l'eau; les larves
qui auront survécu à ce périllleux voyage
et aux prédateurs,
doivent absolument se fixer sur un support pour pouvoir commencer
leur croissance; nos apprentis ostréiculteurs ont
tout essayé en fait de support, le bois, la tuile...;
mais rien ne marche: quand il faut détacher l'huître
jeune de son support, elle y est si solidement fixée,
que l'on emporte un bout du support ou on casse la coquille
de l'huître.
C'est là que notre inventeur a son idée géniale
: chauler les tuîles. Et ça marche: le "détroquage"
(la séparation de l'huître de la tuile) se passe
maintenant sans problème.
Notre génial inventeur était un
maçon d'Arcachon, Jean Michelet; son invention date de
1865...
Le métier d'ostréiculteur est pénible:
hiver comme été, les pieds dans l'eau ou dans la
vase, il faut aller aux parcs soigner et élever l'huître,
les détroquer, puis les désatroquer (les séparer
les unes des autres), les semer dans les parcs, les trier, les
laver...
En 1920, une maladie ruine les parcs de gravette
et la portugaise, introduite en 1907, prend le relais. Elle sera
elle-même supplantée par la japonaise lors de l'épizootie
de 1970/1971.
En 1870, 1.500 hectares du Bassin était
occupés
par des parcs à huitres; 4.750 en 1900. En 1905, plus
de 400 millions d'huitres ont été commercialisées.
La production actuelle serait de 10.000 à 13.000 tonnes.Le
commerce de l'huître est très vite l'un des piliers
de la vie économique d'Arcachon et du bassin: le Mouvement
du Port fait état le 15 mars 1903 de 2.781 tonnes de
houille apportées par trois vapeurs et deux bricks.
En sens inverse, un trois mâts emportait 320 tonnes
de poteaux de mine et cinq vapeurs 7.815.000 huîtres...
Février 2004 : j'ai trouvé il y a peu de temps
une très jolie carte d'ostréiculteurs datée
de 1926, qui a donné beaucoup de soucis à de nombreux
collectionneurs; personne n'était capable de situer où Neveu
avait pris cette photo; les Cottin, eux mêmes, grands collectionneurs
et auteurs de deux livres sur le bassin d'Arcachon, m'ont avoué qu'eux
non plus "n'arrivaient pas à la localiser et pour
cause: elle est inversée ! Pour la situer, il faut la
regarder dans une glace". La clef de l'énigme leur "a été donnée
par Luc Dupuyoo, grand collectionneur du Canon" - Internet
est un village...
Neveu a inversé la scène au tirage; la gauche
est à droite et la droite à gauche. Le pêcheur à la
pipe a d'ailleurs sa montre au bras droit, ce qui n'est pas très
courant. En passant votre souris sur la carte, vous la verrez
comme elle aurait du être: je vous l'ai remise à l'endroit,
timbres et légende compris.
Au fait, cette photo a été prise devant une cabane
du Canon. Luc Dupuyoo, qui a écrit un superbe livre sur
le Cap Ferret (Autrefois, Le Cap Ferret - Souvenirs d'images.
Edition Confluences, juin 2004), m'a apporté en cette
fin septembre 2004 les précisions suivantes: "la
cabane appartenait à Max Dubroc. J'ai identifié quelques
personnes : à gauche, Henriette Laviole (future épouse
de Jean Daney), puis debout, avec une casquette, entre deux femmes,
Roger Dupuyoo (mon oncle, frère de mon père), Henri
Laviole (l'homme à la pipe et à la montre au poignet,
frère d'Henriette, qui lui, n'était pas ostréiculteur,
d'où probablement cette montre; les ostréiculteurs
portaient une montre plate suspendue à leur cou par une
ficelle, montre qui passait sous la ceinture et restait à l'abri
dans le pantalon. Tout simplement pour éviter de la casser à l'occasion
des diverses manutentions) et enfin Jean Daney (assis le plus à droite)."